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Le complexe d’Oedipe

Dimanche 2 mai 2010

Complexe d’Œdipe

Antoine-Denis Chaudet, Œdipe enfant rappelé à la vie par le berger Phorbas qui l’a détaché de l’arbre, 1801.Le complexe d’Œdipe (Ödipuskomplex en allemand), parfois contracté dans l’expression « l’Œdipe », est un concept central de la psychanalyse. Théorisé par Sigmund Freud dans sa première topique, il est défini comme le désir inconscient d’entretenir un rapport sexuel avec le parent du sexe opposé (inceste) et celui d’éliminer le parent rival du même sexe (parricide). Ainsi, le fait qu’un garçon tombe amoureux de sa mère et désire tuer son père répond à l’impératif du complexe d’Œdipe.

Le drame grec éponyme est selon Freud le plus à même de mettre en images le désir universel et inconscient que tout enfant ressent. Pour Georges Politzer « le complexe d’Œdipe n’est ni un « processus » et encore moins un « état », mais un schéma dramatique »alors que pour Roger Perron il désigne « le réseau des désirs et des mouvements hostiles dont les objets sont le père et la mère, et des défenses qui s’y opposent ; il est également la structure centrale du psychisme humain.

La psychanalyse identifie ainsi trois étapes fondamentales de développement psycho-affectif : le stade oral, le stade anal et le stade phallique lors duquel survient chez le garçon, comme chez la fille mais d’une toute autre manière, le complexe d’Œdipe. C’est en effet de 3 à 6 ans environ que le désir libidinal portant sur le parent de sexe opposé apparaît, et que le parent de même sexe est perçu comme un rival. Le complexe connaît ensuite un déclin avec la pré-adolescence : l’enfant affronte le complexe et son désir libidinal se dirige alors vers d’autres objets.

Freud fait du complexe d’Œdipe le pivot de sa théorie pulsionnelle et méta-psychologique, devenant ainsi le concept-clé de la psychanalyse et de ses courants dérivés. L’histoire du complexe d’Œdipe est en effet associée à la théorie freudienne ainsi qu’à l’histoire de la psychanalyse dans son ensemble. Le concept a également motivé nombre de critiques de différentes natures, internes à la psychanalyse comme issues d’autres disciplines.

Sigmund Freud dit avoir découvert le complexe au cours de son auto-analyse en la rapprochant de l’histoire du héros grec Œdipe, personnage de la mythologie, telle qu’elle est narrée par le dramaturge Sophocle dans la pièce Œdipe roi principalement. La lettre à Wilhelm Fliess du 15 octobre 1897 est en effet le seul document qui permette de dater la conceptualisation du complexe. Le neurologue viennois explique ainsi : « J’ai trouvé en moi comme partout ailleurs des sentiments d’amour envers ma mère et de jalousie envers mon père, sentiments qui sont, je pense, communs à tous les jeunes enfants ».

Gustave Moreau, Œdipe et le sphinx, 1864Dans ses premiers écrits, Freud parle aussi de « complexe nucléaire » ou de « complexe maternel », notamment dans son Étude sur l’hystérie (1895)[. Il rappelle qu'il a été conduit à élaborer ce complexe en étudiant la sexualité, les perversions et les névroses de l'adulte qui remontent à l'enfance. L'origine de l'Œdipe est en effet étroitement liée à l'« évolution sexuelle de l'enfant », ce qui fonde également tout l'édifice théorique de la psychanalyse. Freud constate dans un premier temps, « par l'observation directe et par l'étude analytique de l'adulte », que « l'enfant se tourne d'abord vers ceux qui s'occupent de lui ; mais ceux-ci disparaissent bientôt derrière les parents ». Ces rapports, note Freud, « ne sont nullement dépourvus d'éléments sexuels ». L'enfant prend donc ses parents comme des « objets de désir ».

En 1900, dans son essai fondateur de la science des rêves, L'Interprétation des rêves, Freud rend publique sa théorie du complexe d'Œdipe[. Il y explique que le rêve fait souvent référence à ce qui est l'un des désirs d'enfance. « Dans le contenu latent du rêve, Freud trouve, à titre d'élément constant, le résidu diurne, il trouve également qu'il existe une relation entre ce résidu et les souvenirs d'enfance ». Selon son expression, rappelle Henri F. Ellenberger, Freud pense que « le rêve a un pied dans le présent et un pied dans l'enfance »[F 2]. Freud explique aussi que le cas des névrosés permet d’observer des désirs affectueux ou hostiles pour les parents. Dès ce texte, le fondateur de la psychanalyse se réfère explicitement à la tragédie grecque. En 1911, il ajoute que le complexe de castration est profondément lié à l’Œdipe et que dans le drame de Sophocle l’aveuglement d’Œdipe opère comme substitut de la castration.

Le mythe œdipien semble dès lors pour Freud la mise en récit d’un complexe psychique universel. Dans la mythologie grecque, Œdipe est le fils de Laïos et de Jocaste, souverains de la ville de Thèbes. Un oracle prédit à Laïos qu’il sera plus tard tué par son propre fils. Effrayé, Laïos décide d’abandonner Œdipe dans la montagne. Un berger trouve l’enfant et le confie au roi de Corinthe, Polybos, qui l’élève comme son propre fils, sans toutefois lui révéler le secret de ses origines. C’est lui qui le nomme Œdipe. Un nouvel oracle prédit ensuite à Œdipe qu’il sera le meurtrier de son père. Ignorant que Polybos n’est pas son père biologique, il quitte Corinthe pour que la prédiction ne puisse se réaliser. Pendant son voyage, il rencontre Laïos et ses serviteurs et tue alors son vrai père, qu’il prend pour le chef d’une bande de voleurs de grands chemins. Lorsqu’il arrive à Thèbes, but de son voyage, il ne peut entrer dans la ville car un monstre, le Sphinx, en empêche l’accès, tuant et dévorant tous les voyageurs incapables de résoudre l’énigme qu’il leur propose. Œdipe, rusé, parvient à trouver la solution et défait le monstre. Œdipe devient dès lors un héros adulé par les habitants de la ville, qui finissent par le proclamer roi et lui donnent comme femme la veuve de Laïos, Jocaste, sa propre mère. Freud voit donc dans ce mythe l’illustration idéale des désirs extrêmes infantiles : « nous donnons le nom de « complexe d’Œdipe » parce que la légende qui a pour héros Œdipe réalise, en ne leur imprimant qu’une très légère atténuation, les deux désirs extrêmes découlant de la situation du fils : le désir de tuer le père et celui d’épouser la mère . Il remarque en effet que ce complexe se retrouve également dans d’autres drames culturels, comme dans Hamlet de Shakespeare. En 1967, Jean Starobinsky, dans la préface d’Hamlet et Œdipe d’Ernest Jones, argue que si Œdipe est le drame du dévoilement, la tragédie d’Hamlet est le drame du « refoulement « .

En 1905 Freud publie Trois Essais sur la théorie de la sexualité, ouvrage fondateur de la psychanalyse. Même si le complexe n’y apparaît pas explicitement, Freud définit tout d’abord la libido comme l’énergie sexuelle aux fondements de la dynamique psychique qui tend à se projeter sur un objet extérieur. En second lieu, il insiste sur les vicissitudes du choix de l’objet d’amour dont la source est le complexe d’Œdipe. Il pose donc que la réalité de la sexualité infantile est induite par la mère, et que la tétée est le premier rapport sexuel. De cette sexualité archaïque dépend le complexe d’Œdipe, déterminant à son tour le tabou de l’inceste. Freud continue de développer sa théorie en expliquant que la libido donne naissance à des perversions sexuelles diverses lorsque le schéma originel œdipien subit des altérations. Enfin, elle s’incarne dans un symbolisme sexuel dense, notamment dans les rêves. Le thème est par ailleurs central dans l’analyse de Dora, en 1905.

En 1909, un autre cas pratique, célèbre dans la littérature psychanalytique, permet à Freud de valider sa conception du complexe. Le cas dit du « petit Hans » — de son vrai nom Herbert Graf — suit en effet fidèlement le schéma dramatique œdipien. La phobie du cheval apparaît chez Herbert Graf quand il assiste à la chute d’un cheval et qu’il le voit à terre se débattre. Freud va postuler que son inconscient associe son père au cheval, qu’il aime son père mais qu’il souhaiterait également sa mort pour pouvoir coucher avec sa mère. Cela va développer chez lui une névrose phobique, l’impossibilité de sortir dans la rue par crainte d’être mordu par un cheval. Freud le prend en cure analytique et, au fur et à mesure de sa psychothérapie, l’aide à surmonter son complexe d’Œdipe.

La résolution du complexe d’Œdipe lors du travail du rêve. Ce n’est cependant qu’en 1910, dans un texte intitulé Contribution à la psychologie de la vie amoureuse qu’apparaît le terme « complexe d’Œdipe ». La notion est l’invention de deux autres psychanalystes officiant à Zurich, Carl Gustav Jung et Franz Riklin. Le complexe (gefühlsbetonte Komplexe en allemand) » est utilisé dès lors en psychanalyse pour désigner des fragments psychiques inconscients à forte charge affective. Freud l’utilise ainsi pour décrire ce qui est pour lui le principal complexe psychique humain, celui qui est constitué dans les premiers temps de vie, en fonction de ses parents : le « complexe nucléaire ». Sa pensée est ensuite développée la même année dans l’essai « Un type particulier de choix d’objet chez l’homme » où il explique que les objets d’amour sont autant de substituts de la mère. Le cas de la fille est déjà particulier : Freud pose qu’à la place de la peur de perdre son père, comme le petit garçon pour sa mère, elle développe une « envie du pénis ».
Dès 1912 et 1913, « l’Œdipe » est entré totalement dans la pensée clinique de Freud et celui-ci s’attache à en étudier son universalité, dans l’ouvrage Totem et Tabou. Freud y avance la thèse suivante : celle de la « vocation civilisatrice du complexe », résumée par Roger Perron : « en des temps très anciens les humains étaient organisés en une horde primitive dominée par un grand mâle despotique qui monopolisait les femmes et en écartait les fils, fût-ce au prix de la castration ». Le complexe serait donc transmis de génération en génération et avec lui le sentiment de culpabilité associé. Freud recherchera en effet toujours à relier ces concepts, et en particulier celui du complexe d’Œdipe, à une théorie générale de la phylogenèse (de l’histoire de l’humanité comme espèce).

Nombre de psychanalystes commencent à mener des études, dans la continuité de celles de Freud, dont Otto Rank. Freud note en effet : « Otto Rank a montré, dans une étude consciencieuse, que le complexe d’Œdipe a fourni à la littérature dramatique de beaux sujets qu’elle a traités, en leur imprimant toutes sortes de modifications, d’atténuations, de travestissements, c’est-à-dire de déformations analogues à celles que produit la censure des rêves ». Par la suite deux ouvrages de Freud vont développer sa pensée, et ce définitivement. En 1923, dans un court essai intitulé « L’Organisation génitale infantile », Freud décrit les phases psychoaffectives de la psychogenèse, qui est également l’un des concepts centraux de la théorie psychanalytique, et dont « la phase phallique constitue l’acmé du drame œdipien ». L’intérêt croissant porté au complexe d’Œdipe motive Freud à faire le point sur sa découverte. Il fixe sa théorie dans les Conférences d’introduction à la psychanalyse, en 1917 et 1918. Il s’arrête particulièrement sur les observations directes et sur les analyses d’adultes névrosés, expliquant que « chaque névrosé a été lui-même une sorte d’Œdipe » .

Le cas clinique dit de « l’homme aux loups » (1918) offre une illustration majeure du complexe masculin. Freud classe alors le complexe au sein des « schémas phylogénétiques » qui ont pour rôle de structurer la psyché inconsciente et ce depuis l’aube de l’humanité. Par ailleurs, l’introduction de la nouvelle dualité pulsionnelle et d’une seconde topique va permettre une nouvelle approche de l’Œdipe. Freud explique en effet que le transfert présente les restes de la résolution, plus ou moins accomplie, du complexe. Celle-ci laisse en effet des « cicatrices narcissiques ». Face à cette souffrance, la psyché pousse le Moi à résoudre en totalité le complexe. Ce faisant, le Moi est envahi de compulsions. Selon lui l’intensité de ces compulsions, qui culmine dans les névroses obsessionnelles, est à l’origine de la notion de « destin » dans les drames, dont la tragédie de Sophocle. Dans Psychologie des foules et analyse du moi (1921), Freud aborde « l’avant Œdipe », caractérisé par une neutralisation des affects et permis par l’ambivalence. L’enfant fixe ainsi ses affects négatifs et positifs sur des objets extérieurs au lieu d’investir ses parents.

Enfin, en 1923, dans Le Moi et le Ça, Freud métapsychologis la notion de complexe d’Œdipe, en en faisant un prérequis structurant de l’instance morale, le Ça. En effet, lors de la maturité du complexe, plusieurs scénarios sont possibles : affects féminins pour le père chez le garçon ou désir féminin pour la mère chez la fille, et vice-versa. Toutes les variations sont dues selon Freud à la « bisexualité constitutionnelle de l’individu ». L’enfant est en effet inconsciemment bisexuel, son orientation sexuelle se précisant par la suite. Ces variations complexes entraînent donc une attitude positive du garçon pour son père (le complexe inversé), ou une attitude négative (le complexe normal), le tout formant, virtuellement le « complexe d’Œdipe complet ». Ces identifications variées expliquent la diversité des étiologies et des personnalités. Elles constituent fondamentalement un « idéal du moi » qui détermine la morphologie du Surmoi]
L’essai de 1923, « Le problème économique du masochisme », pose que le Surmoi, instance psychique proclamant les interdits, est né de l’introjection des premiers objets libidinaux du Ça dans le Moi. La relation en est de fait désexualisée mais le Surmoi conserve les caractères parentaux. Freud propose là une thèse selon laquelle la source de la morale est le Surmoi et, donc, l’Œdipe[A 8]. La même année, dans l’essai « L’Organisation génitale infantile » Freud tente d’expliciter les zones d’ombre de l’Œdipe féminin. Il stipule que seul le pénis a une réalité psychique, y compris chez la fille. Celle-ci envierait donc l’acquisition du phallus, même si Freud admet être impuissant à poursuivre l’analyse de la sexualité féminine.

En 1924, un autre essai fait une place majeure au complexe : « La disparition du complexe d’Œdipe ». Freud y décrit la façon dont le complexe disparaît avec le temps, comme la chute des dents de lait précise-t-il, et ce « même si ce qu’il décrit est davantage la dissolution du conflit œdipien » plutôt que la disparition pure et simple de ce qu’il a défini avant comme « l’ossature même du psychisme humain ». En 1925, dans « Quelques conséquences psychologiques de la différence anatomique entre les sexes », Freud aborde la « préhistoire du complexe d’« Œdipe » ». Les prémisses du complexe se jouent en effet dans les premiers temps de la découverte des zones érogènes.

Avec l’ouvrage Malaise dans la civilisation (1929), Freud délivre l’interprétation psychanalytique des structures inconscientes sous-tendant l’humanité et ses fantasmes. Il décrypte les symboles sexuels universels trouvés dans les rêves. Selon Ellenberger, « Freud allait bientôt déduire du caractère universel du complexe d’Œdipe l’idée du meurtre du Père primitif par ses fils ». Dès lors Freud complète son modèle théorique en précisant la figure du père primitif. Le garçon nourrit envers lui des désirs de mort car il a peur d’être châtié et castré par celui-ci. La castration prend ainsi place dans la théorie générale du complexe, comme peur infantile de se voir déposséder de la puissance sexuelle par la figure paternelle. Ce complexe de castration survient donc au sortir de l’Œdipe, comme renoncement à l’objet maternel, qui est le premier objet de l’enfant et comme marquant le début de la période de latence et de la formation du Surmoi chez le garçon. Des auteurs postérieurs à Sigmund Freud, comme Melanie Klein ou Donald Winnicott par exemple, ont cependant compris le Surmoi comme instance bien plus précoce. Le cas de la petite fille est cependant différent à ce stade : elle interprète en effet la castration comme ayant eu lieu, n’étant pas en possession d’un pénis, et se doit donc de la réparer. Ce moment, l’envie du pénis, marque alors l’entrée dans l’Œdipe à rebours du cas masculin. Le meurtre du Père primitif est ainsi le fantasme universel de l’humanité de tuer la figure paternelle castratrice, seule étape permettant un développement psychique normal par la suite. « La notion complète du complexe d’Œdipe comporte en effet ces trois éléments : désir incestueux à l’égard de la mère, désir de tuer le père, et image d’un père cruel et castrateur » explique Henri F. Ellenberger.

Enfin, en dépit de l’importance du concept en psychanalyse, jamais Freud ne lui a pour autant consacré un ouvrage spécifique, même s’il revient sur cette découverte dans son dernier ouvrage, L’Abrégé de psychanalyse, en écrivant : « Je m’autorise à penser que si la psychanalyse n’avait à son actif que la seule découverte du complexe d’Œdipe refoulé, cela suffirait à la faire ranger parmi les précieuses acquisitions nouvelles du genre humain »

Selon Freud, tel qu’il le décrit dans son essai « L’Organisation génitale infantile » (1923), l’élaboration du complexe d’Œdipe représente une étape constitutive du développement psychique des enfants. Le désir envers la mère trouve en effet son origine dès les premiers jours de la vie et conditionne toute sa psychogenèse. La mère est, d’une part, la « nourricière », et, d’autre part, celle qui procure du plaisir sensuel, via le contact avec le sein et à travers les soins corporels. L’enfant, qu’il soit fille ou garçon, en fait donc le premier objet d’amour qui restera déterminant pour toute la vie amoureuse. Cette relation objectale est ainsi investie de sexualité. Cet amour d’objet se déploie donc en cinq « phases » libidinales. La notion de « phase » ou de « stade » n’est pas à prendre au sens littéral. Elle signale la primauté d’une zone érogène particulière mais n’implique pas que le processus se déroule de manière mécanique et linéaire. Tout au plus peut-on admettre qu’une phase succède à l’autre dans l’ordre décrit. Le complexe d’Œdipe se déploie donc à travers ces phases en fonction de leurs propriétés propres qui s’enchevêtrent pour constituer un agrégat de pulsions, nommé « complexe » d’Œdipe qui, pour les freudiens, trouve son apogée vers l’âge de 5 ans. Freud aboutit à cette déduction en étudiant le cas dit du « petit Hans ».
La « phase orale » constitue l’organisation psychique du premier lien. La nourriture qui passe par la bouche est en effet la première origine de sensualité. Le plaisir produit par les zones érogènes s’étaye sur ce lien vital puis s’en éloigne, par exemple lors des préliminaires sexuels des adultes. On différencie la « phase orale de succion » de la « phase orale de morsure » qui inaugure une manifestation d’agressivité reposant sur l’ambivalence inhérente à la relation d’objet. Pour les kleiniens, le complexe d’Œdipe se manifeste déjà à cette phase orale et son déclin intervient lors de l’avènement de la position dépressive. Ensuite, la « phase anale », allant de 1 à 3 ans environ, est liée au plaisir de contrôler ses voies d’excrétion. « La phase phallique » (ou « génitale infantile »), de 3 à 6 ans environ, est liée à la masturbation. Elle connaît l’émergence puis le conflit œdipien dans sa phase la plus aiguë. La « phase de latence » s’étale ensuite de 6 ans à la pré-adolescence, et correspond au déclin du complexe d’Œdipe par le refoulement des pulsions sexuelles qui sont mises au service de la connaissance (ou « épistémophilie ») qui dure jusqu’à l’adolescence et qui est permise par le processus de sublimation. Là encore, il faut considérer que ce déclin, cette « latence » est toute relative et peut varier selon les individus, les circonstances et les moments du développement. Jacques Lacan distingue quant à lui trois phases, l’œdipe permettant l’accès au symbolique : d’abord l’enfant est l’objet du désir de la mère, à savoir le phallus puis il perd cet avantage par l’interdit de l’inceste, édicté par le père, dès lors l’enfant perd sa relation fusionnelle et privilégiée avec sa mère par une castration symbolique. Enfin l’enfant assume le nom du père et s’identifie à lui.
Le déclin du complexe d’Œdipe correspond à la phase finale de la dynamique œdipienne. Il est marqué par le renoncement progressif à posséder l’objet libidinal, sous la double pression de l’angoisse de castration chez le garçon et de la peur de perdre la mère chez la fille. Plusieurs processus permettent en effet à l’enfant de détourner son attention libidinale des objets parentaux. Les déplacements identificatoires, les sublimations notamment, le transfert aussi, permettent à la libido de trouver d’autres objets de satisfaction, en particulier dans la socialisation progressive et dans l’investissement des processus intellectuels. Enfin, la « phase génitale » survient pendant l’adolescence et correspond à la reconnaissance de la « double différence, des sexes et des générations » et coïncide avec la seconde période de maturation sexuelle. Dès lors l’équilibre est trouvé, au sein d’une organisation génitale adulte et grâce aux changements d’objets devenus possibles : le désir sera donc adressé à une autre femme que la mère, à un autre homme que le père.

Il existe également, note Freud, une forme « inversée » du complexe d’Œdipe. La forme normale du complexe est en effet appelée « positive », à l’opposée de laquelle existe une forme négative appelée inversée. Le garçon voit dans son père non une figure à tuer psychiquement, mais l’objet de ses tendances sexuelles. Le père devient dès lors féminisé. Chez la fille, le schéma existe, se construisant a contrario sur la mère, investie des pulsions sexuelles objectivées. Selon Freud, les deux formes de l’Œdipe constituent le « complexe d’Œdipe complet ».
Selon Freud, lors du complexe d’Œdipe le Moi suit une profonde modification, de laquelle résulte le Surmoi ; « Le Surmoi est donc l’héritier du complexe d’Œdipe » explique Tran-Thong. En effet la résolution du complexe entraîne l’introjection de l’image du père. L’édification du Surmoi chez un individu dépend ainsi de la façon dont il a résolu son complexe d’Œdipe. De manière générale, « le conflit œdipien constitue un moteur essentiel du jeu des identifications par lesquelles se construit la personne » explique Roger Perron.

Pour Jacques Lacan le concept de « Noms-du-Père » envisage une situation œdipienne précoce, reformulant la vision freudienne du complexe d’Œdipe. Par cette formalisation structurelle, la nature et la fonction du père sont comprises sous l’angle symbolique. Cette métaphore paternelle prend notamment sens dans la théorie lacanienne de la psychose. Elle structure le symbolique et permet le passage de l’Œdipe. Au final, elle joue un rôle dans la constitution du langage chez l’enfan
L’Œdipe subit un « refoulement rapide », note Freud, mais, « du fond de l’inconscient, il exerce encore une action importante et durable. Il constitue dès lors le « complexe central » de chaque névrose ». Freud parle également, de manière synonymique, et dans un cadre psychopathologique, dès 1908, de « complexe nucléaire ». Tout d’abord, d’une façon passive, le complexe conditionne le développement ultérieur de l’enfant et par là celui de névroses ; d’autre part l’enfant, dès sa soumission au complexe, tente de comprendre afin d’aménager la réalité et il produit pour cela des « théories sexuelles infantiles » sur ses parents. Ses théories influent de manière décisive sur le caractère ultérieur de l’enfant et sur sa constitution névrotique. Néanmoins la névrose ne passe de virtuelle à actuelle que lorsque l’enfant est incapable de détacher sa libido des modèles parentaux. Dès lors il ne peut jouer de rôle social et produit un aménagement de la réalité, une névrose. Toute l’entreprise analytique se définit comme une éducation progressive pour surmonter ces « résidus infantile
Dès sa formalisation, Freud savait que ce modèle était difficile à transposer complètement pour le développement des petites filles. Il a essayé de pallier cette difficulté en aménageant le concept de l’Œdipe pour la fille, que le psychiatre et psychanalyste Carl Gustav Jung appelle par la suite le « complexe d’Électre ». Il la définit comme la tendance compulsive amenant la fille à se tourner vers le père ou une autre image paternelle de substitution et qui est conséquence du complexe de castration pré-pubertaire féminin. Si Freud admet l’existence d’un « complexe d’Œdipe au féminin », il ne lui reconnaît pas une équivalence stricte avec celui dédié au petit garçon. Ce « monisme phallique » postulé par Freud a en effet soulevé de vives protestations, du vivant même du fondateur de la psychanalyse, et en particulier de la part de femmes psychanalystes, comme Ruth Mack Brunswick, Helene Deutsch, Karen Horney ou Melanie Klein. Cette extension au sexe féminin n’a cependant jamais été totalement satisfaisante et aujourd’hui rares sont les analystes qui utilisent ce terme. Freud remarque, dès le début, en 1916 : « On ne saurait dire que le monde fût reconnaissant à la recherche psychanalytique pour sa découverte du complexe d’Œdipe. Cette découverte avait, au contraire, provoqué la résistance la plus acharnée »] et ce même au sein de la théorie psychanalytique. La psychanalyste Mélanie Klein par exemple, afin d’équilibrer le concept, a insisté sur le fait que le garçon « envie » le pouvoir des femmes de donner la vie autant que la fille pourrait « envier » le phallus.

Les conséquences du déclin du complexe d’Œdipe sont différentes d’un sexe à l’autre : d’abord il s’agit du renoncement au premier objet d’amour dans les deux sexes. Le garçon se détournera de sa mère pour d’autres femmes mais la fille va elle s’orienter vers un objet d’amour hétérosexuel (le père duquel elle devra aussi se détourner pour d’autres hommes). Dans ce strict cadre intrapsychique, les psychanalystes considèrent que l’homosexualité est un avatar du complexe d’Œdipe. Le garçon se fixe au père, la fille à la mère par impossibilité d’intégrer l’angoisse de castration ou, sa conséquence, l’intégration de la double différence. En psychanalyse le « choix d’objet » est inconscient et il n’a rien à voir avec ce qu’on pourrait entendre par un choix d’orientation sexuelle qui serait, lui, conscient ou même délibéré. La confusion entre ces deux champs a motivé nombre de débats reposant sur une incompréhension totale. En 1953, Jacques Lacan tente lui aussi de dépasser le déséquilibre de la théorie œdipienne concernant les filles en interprétant l’Œdipe comme fonction : le père intervient en tant que loi venant rompre la fusion entre la mère et son enfant, fille ou garçon.
Ainsi que l’explique Freud, l’Œdipe est précédé de deux phases où prédominent successivement les zones érogènes, d’abord celle orale puis celle anale, et dans lesquelles s’organisent les premières relations objectales. L’Œdipe ne serait donc pas premier, mais serait lui-même originaire, ce sur quoi Freud lui-même achoppait. Pour Melanie Klein, il existerait ainsi un « complexe d’Œdipe précoce », qu’elle décrit en 1927, et antérieur à l’âge de 3 ans et prenant son origine dans les fantasmes de la petite enfance. Les résidus archaïques, ressentis comme bons ou mauvais par l’enfant sont ainsi associés aux figures parentales. Dans la même ligne, Otto Fenichel, en 1931, postule également des « précurseurs du complexe d’Œdipe ».

Le psychanalyste Claude Le Guen, dans L’Œdipe originaire (1974), a par ailleurs décrit un « œdipe originaire » correspondant à une première structure triangulaire mettant en jeu le sujet naissant, sa mère et un tiers qui suscite une peur de l’étranger qui expliquerait, au 8e mois chez l’enfant, un tel sentiment pour l’Autre. Un autre psychanalyste, André Green a ainsi poursuivi et complété cette relation à trois actants. Enfin, il existe des organisations non œdipiennes, étudiées de longue date par la psychanalyse, et qui donc remettent en cause partiellement l’universalité du complexe. Ainsi, le vaste champ des structures perverses, des autismes, des psychoses enfin, infantiles ou adultes a été pris comme preuve pour récuser sa centralité dans la constitution de la personnalité. Un autre psychanalyste français, Michel Fain, développe quant à lui la notion de « censure de l’amante », qui rend compte du lien privilégié qui unit la mère à l’enfant et ce avant la constitution de l’Œdipe. Cette relation aboutirait à constituer chez l’enfant un imaginaire fantasmatique qui conditionne ensuite la relation triangulaire œdipienne.
Depuis les débuts de la psychanalyse jusqu’à ses développements les plus récents, le complexe d’Œdipe a été critiqué. Le psychanalyste Otto Rank le range ainsi derrière le traumatisme de la naissance, alors que le psychiatre Carl Gustav Jung en refuse la primauté. Le désir de la mère dans la vision jungienne n’est en effet pas relatif à l’inceste et n’est pas restreint au seul complexe d’Œdipe[. D'autres l'ont ramené à un principe moral limité à la bonne société viennoise, émanant de l'état d'esprit de Freud lui-même alors que Heinz Kohut l'a minimisé au sein de ses théories sur le narcissisme. Il reste avec l'inconscient et les théories sur la sexualité infantile, une des pierres d'achoppement à la fois entre psychanalystes et entre ces derniers et leurs opposants plus ou moins radicaux.

L'ethnologue français Claude Lévi-Strauss dresse une critique culturaliste de l'universalité du complexe d'Œdipe, tout en reconnaissant que le tabou de l'inceste est commun à tous les peuples.L'universalité de ce complexe, par-delà les différences culturelles, a fait très tôt l'objet de critiques d'ethnologues. Ainsi, l'école culturaliste (Bronisław Malinowski, Margaret Mead et Ruth Benedict) est en opposition directe avec le postulat freudien. Le premier à émettre de telles critiques est Malinowski, à partir d’un programme d'étude mené après la Première Guerre mondiale sur les mœurs sexuelles en Mélanésie, et qu'il synthétise dans son ouvrage La Sexualité et sa répression dans les sociétés primitives (1921). Son observation des populations des îles Trobriand révèle en effet une configuration socio-culturelle qui, fondée sur un mode de parenté matrilinéaire, n’a rien à voir avec celle de la civilisation européenne. Or, puisque le complexe d'Œdipe tel que le décrit Freud suppose une identité entre le père biologique (avec lequel la mère échange un amour que l'enfant jalouse) et la figure autoritaire (qui s'interpose entre l'enfant et la mère), la notion de complexe d'Œdipe semble indissociable d'une forme familiale précise, dite « nucléaire », où le père, la mère et les enfants vivent sous le même toit et dans laquelle le père biologique exerce l'autorité sur l'enfant. Aussi, et contrairement au postulat de Freud, cette forme d'organisation familiale n'a-t-elle rien d'universel selon Malinowsky : dans de nombreuses cultures, le dépositaire de l'autorité vis-à-vis de l'enfant n'est pas le père mais est par exemple l'oncle maternel dans les îles Trobriand. De là découle une fragilisation de l'édifice freudien, où il apparaît comme une hérésie de dissocier le partenaire sexuel de la mère de la figure exerçant l'autorité sur l'enfant. La critique ethnologique est cependant à nuancer car Claude Lévi-Strauss, dans son ouvrage Les Structures élémentaires de la parenté (1949), soutient en effet que la prohibition de l'inceste est au fondement de toutes les cultures humaines. Pour l'approche psychanalytique, l'existence d'un tel tabou cadre parfaitement avec l'Œdipe.

Les travaux de Malinowski sont contestés par Géza Róheim, qui entame en 1928 un voyage de quatre ans en Somalie et en Australie, à l'issue duquel il conclut à l’universalité du complexe d’Œdipe dans son article « Psychanalyse des cultures primitives », repris en 1950 dans son ouvrage Psychanalyse et anthropologie, publié ensuite sous le titre Psychanalyse des cultures primitives (1932). Cependant, la façon dont Róheim procède est fortement critiquée par le psychanalyste Wilhelm Reich, dans un appendice qu’il ajoute en 1934 à son livre L'Irruption de la morale sexuelle. Wilhelm Reich lui reproche son manque de rigueur ethnographique et d’avoir inféré gratuitement certaines conclusions à partir de l’étude de rêves d’autochtones peu coopératifs. Il accuse surtout le caractère prédéterminé du projet de Róheim. C’est l'ambition de prouver l’universalité de l'Œdipe qui lui en a fait voir les manifestations partout selon Wilhelm Reich. Ces reproches furent aussi adressés à Ernest Jones, qui tenta de défendre le point de vue de Róheim mais en vain, et sans avoir au préalable intégré, lui non plus, les données ethnographiques.
Dans Mythe et tragédie en Grèce ancienne l'historien et anthropologue français, spécialiste de la Grèce antique, Jean-Pierre Vernant dénonce les contresens et l'anachronisme de l'interprétation psychanalytique du mythe grec ainsi que dans un article de 1967 intitulé « Œdipe sans complexe »[6]. Pour Vernant, Freud synthétise le mythe en un schéma par trop simplificateur. Il n’inscrit pas non le mythe d’Œdipe dans la mythologie grecque dans son ensemble. Le raisonnement freudien est donc selon lui un « cercle vicieux », principalement parce que Freud interprète le mythe grec avec une mentalité contemporaine, sans effectuer un travail de contextualisation historique.
L’ethnologue Claude Lévi-Strauss, pour sa part, trouve pour le moins abusif que Freud fonde l’essentiel de la psychologie humaine sur une « pièce de théâtre de Sophocle », pièce n’ayant pas par ailleurs le côté de mythe fondateur de l’esprit européen (l’individu s’opposant à la Cité), qu’est sa tragédie Antigone. Dans son ouvrage La Potière jalouse (1985), il rédige donc une « contre-explication » parodique où il fait dériver toute cette psychologie d’une pièce d’Eugène Labiche, Un chapeau de paille d’Italie. Cet essai qualifié de « plaisant, mais rigoureux » a été mentionné par plusieurs auteurs, dont Michel Serres, comme étant l’une des critiques les plus constructives de la psychanalyse.
Œdipe (à droite) et le Sphinx (au milieu) accompagnés du dieu Hermès (à gauche).Dans Folies à Plusieurs (2002) l’historien des psychothérapies Mikkel Borch-Jacobsen souligne que Freud affirme sa théorie œdipienne de façon parfaitement arbitraire, en dehors de tout matériel clinique (si ce n’est celui, particulièrement suspect, fourni par son autoanalyse), afin de trouver une explication ad hoc aux constants récits de séduction paternelle de ses patients. Selon Borch-Jacobsen, ces récits ne sont pas dus à un quelconque œdipe décelé chez les sujets analysés, mais bien plutôt aux suggestions induites par les croyances de Freud lui-même à propos de l’étiologie sexuelle des névroses et des psychoses.
Dans L’Anti-Œdipe, paru en 1972, le philosophe Gilles Deleuze et le psychanalyste Félix Guattari définissent le désir comme une puissance d’invention, et la psychanalyse comme étant, malgré elle, une entreprise de répression des forces créatives de l’inconscient et de celles potentiellement révolutionnaires du désir, œuvrant à la conservation de l’ordre politique et socia. Le complexe d’Œdipe n’est pas, pour Deleuze et Guattari, la forme inconsciente véritable du désir, mais la forme que l’institution psychanalytique impose, via la cure psychanalytique, au désir de ses patients, et en particulier de l’institution bourgeoise et patriarcale. Ils expliquent en quoi le complexe d’Œdipe, loin pour eux de constituer une vérité sur le désir, est un moyen pour les psychanalystes de modeler et de contenir ce dernier, en le réduisant à la structure familiale, pour l’empêcher de se répandre dans le champ social et d’y mettre en œuvre sa puissance révolutionnaire.

De manière générale, la question de la validité du complexe d’Œdipe continue de nourrir un vif débat dans le contexte social actuel, qui voit se développer en Occident des formes nouvelles de la famille (en particulier la monoparentalité, la famille adoptive, la famille recomposée, l’homoparentalité). De nombreux psychanalystes tentent d’aménager la notion théorique de complexe d’Œdipe aux cas de figure où l’autorité paternelle s’avère absente, intermittente, ou partagée entre plusieurs pères. Se fondant sur la notion d’« entitlement » créée par Freud, le psychanalyste Arnold Rothstein explique par exemple que des enfants en souffrance nourrissent l’illusion d’être toujours en symbiose avec leur mère. Ces cas psychopathologiques semblent ne pas s’inscrire dans le schéma œdipien. Par ailleurs, au sein des Gender Studies, la féministe américaine Judith Butler, tout en reconnaissant l’apport freudien, critique l’unilatéralité sexuelle du complexe d’Œdipe. Dans son ouvrage Gender Trouble (1990) elle critique la conception freudienne d’une bisexualité sans véritable homosexualité telle qu’elle est présentée dans Le moi et le ça.
Remarques :
Ces propos ne sont que des vulgarisations banales, largement divulguées au grand public. Je ne pense pas avoir jusqu’ici trahi de grands secrets. Je me suis fait « l’écho de la rumeur ambiante ». Je resterais très discrète à l’égard de mes propres points de vue, à ce sujet, qui bien-sûr, vous le comprenez bien, feront l’objet de la rédaction d’un ouvrage personnel ultérieurement compte tenu des virulentes et violentes réactions venant du corps enseignant auquel je réserve un article personnel, pétri de théories et d’expériences de terrain et où le centre de mes investigations se portera sur « L’enfant en proie et aux prises à l’enseignement en France » .
Chantal POULAIN ( Paris, décembre 2010)

Identité sexuelle

Lundi 22 février 2010

En sociologie, l’identité sexuelle (ou identité de genre ou identité sexuée) se réfère au genre par lequel une personne est socialement reconnue ; c’est-à-dire que certaines personnes parlent d’elles-mêmes comme étant un homme ou une femme ou se décrivent de façon moins conventionnelle, mais ce terme peut aussi faire référence au genre que les autres personnes attribuent à quelqu’un sur la base de ce qu’ils connaissent des indicateurs sociaux de genre (vêtements, coiffure, démarche, etc.).
Cette identité est conférée dès la naissance, voire auparavant du fait du recours à l’échographie. Mais l’identité conférée et l’identité ressentie peuvent parfois être différentes. De plus, il peut y avoir avoir absence d’identité ou double identité. On peut donc être asexué, bisexué. L’identité de genre peut être également affectée par nombre de structures sociales, comme l’appartenance culturelle, le statut social, la situation professionnelle, l’éducation ou la famille.
Certaines cultures comme celle de Sparte antique encouragent la bisexualité. D’autres l’interdisent. L’identité est donc aussi culturelle et est liée aux interdits sociétaux ou religieux. L’identité de genre est donc profondément culturelle et éducative. elle permet l’intorisation des normes sociales liées au sexe. On ne nait pas femme, on le devient disait Flora Tristan. Même dans les sociétés, où on accorde un intérêt inavouable aux identités troubles comme les castrats, ou le chevalier d’Eon.
Les scientifiques se sont demandés dans quelle mesure l’éducation influençait l’identité de genre. Il est très difficile de faire des expériences objectives car, les enfants ne peuvent pas être utilisés comme des cobayes. Cependant dans les années trente, le docteur Raymond Choopy-Ney, psychiatre dans le Dakota du Nord a pu étudier deux cas, celui de la famille Smith dont la fille Kevina a été élevée comme un garçon et celui de la famille Wesson où le fils Omer avait été élevé coest comme une fille. Ces deux enfants ont souffert à l’adolescence de troubles névrotiques sérieux relatés dans deux articles de la société américaine des psychatrie (le cas K. en fevrier 1935 et le cas O. en décembre 1938). Malheureusement Choopy-Ney est parti à la guerre en janvier 1942 et on a pas su ce qu’étaient devenus Kevina et Omer. Mais à ce ce sujet, ma position d’analyste est diamétralement opposée.
La plupart des gens sont considérés comme « cisgenres » (« cisgendered » en anglais), leur identité sexuelle étant la même que leur sexe biologique (par exemple, un enfant né avec des organes sexuels féminins, élevé en tant que fille et qui se sent femme). Avant le XXe siècle, le sexe d’une personne était déterminé seulement par l’apparence des organes sexuels visibles, mais depuis la découverte des chromosomes et des gènes, ceux-ci sont aussi utilisés. Les personnes dont le sexe a été défini comme féminin ont des organes sexuels féminins et deux chromosomes X ; ceux définis comme étant de sexe masculin ont des organes sexuels masculins ainsi qu’un chromosome X et un chromosome Y. Toutefois, il y a des personnes qui ont des combinaisons de chromosomes, d’hormones et d’organes reproducteurs qui n’entrent pas dans les définitions traditionnelles d’« homme » et de « femme ». Les appareils reproducteurs varient d’une personne à une autre, certains individus ayant plus d’un type d’appareil reproducteur ; d’autres attributs physiques attribués au sexe d’une personne (forme du corps, pilosité faciale, voix grave ou aiguë, etc), peuvent ou non coïncider avec le genre attribué, homme ou femme, d’après l’apparence des appareils reproducteurs. La recherche récente suggère qu’une personne sur cent peut avoir une caractéristique intersexuelle1. Les transgenres sont ceux dont l’identité sexuelle et/ou les organes reproducteurs et les chromosomes diffèrent des définitions traditionnelles. Les identités sexuelles, et plus spécifiquement les aspects considérés comme relevant du bon comportement ou de l’apparence correcte en fonction du genre, diffèrent selon la culture. L’identité sexuelle de la plupart des gens s’écarte d’une manière ou d’une autre des rôles stéréotypés d’« homme » et « femme », et certaines en divergent davantage que d’autres.
Selon certains chercheurs bien comprendre la différence entre le sexe biologique et l’identité sexuelle, les cas le plus simples à prendre sont ceux où l’appareil reproductif extérieur (pénis, clitoris…) a été enlevé. La libido et la capacité d’exprimer son désir sexuel sont changés, mais l’identité sexuelle peut rester la même.
C’est là où aussi j’interviendrai dans la suite de cet article pour exprimer mon positionnement en tant que psychanalyste.

L’expérience du divan

Jeudi 18 février 2010

RIRE ?

Mercredi 30 décembre 2009

LE RIRE TOUS AZIMUTS

Humour et inconscient en psychanalyse

Être capable de rire et de faire rire est un atout considérable.
L’humour détend, allège, rafraîchit la vie et nous accordons d’emblée notre sympathie aux amuseurs.
Mais si l’humour nous charme, il n’est pas pour autant dénué d’une certaine ambiguïté.
Ceux qui tournent tout en dérision l’utilisent quelquefois comme une véritable arme !
L’humour procure à celui qui le pratique d’indéniables avantages sociaux. Entourés, courtisés, les amuseurs savent se tirer des situations les plus délicates et les retourner à leur avantage, tout en maintenant leur cote de popularité.
De nombreux orateurs l’ont bien compris et émaillent systématiquement leurs discours (même les plus sérieux) de plaisanteries destinées à s’assurer la complicité de leur auditoire.
L’humour au service du pouvoir ?
L’humour désarme et permet de se maintenir en position forte en toutes circonstances. Faire rire donne du pouvoir et cet ascendant sur les autres peut s’exercer à outrance. L’humour finit alors par perdre sa fonction « oxygénante ».
Il devient un outil de manipulation et une arme redoutable, puisque dans tous les cas l’amuseur reste à couvert.
Les enfants apprennent d’ailleurs très tôt les bénéfices qu’ils peuvent tirer de l’humour : « c’est pour rire » disent-ils, pour éviter les représailles, lorsqu’ils savent avoir dépassé les bornes.
Un jeu d’enfant ?
Si l’humour donne de l’ »oxygène », c’est qu’il permet de dire ce que l’on ne pourrait dire sans faire rire !
Les amuseurs, à l’image des bouffons d’autrefois ou des humoristes d’aujourd’hui, ont le droit de tout dire, pourvu que leur drôlerie rende la vérité tolérable.
L’humour donne la permission de bousculer les règles et de transgresser les interdits.
A ce titre, ceux qui s’y adonnent exagérément peuvent quelquefois se croire tout permis, oublier les circonstances et l’effet produit par leurs traits d’esprit. A un certain degré d’excès, l’amuseur se conduit comme un enfant, à qui rien ni personne ne doit résister.
Derrière le panache de ceux qui tournent tout en dérision, se profilent souvent des êtres incertains d’eux-mêmes, hypersensibles, fragiles…
Une certaine forme de refuge contre le déplaisir ?
Dans les situations de tension ou de gêne extrême, il arrive souvent que des plaisanteries se mettent à fuser.
L’humour est ce qui permet alors d’éviter des sentiments pénibles. Il permet d’échapper à l’émotion redoutée (peur, tristesse, colère…) et de retrouver l’état de bien-être que la situation risque de bouleverser.
L’humour est un moyen de se protéger de la souffrance ; il est, comme d’analyse freudienne en conclue « un processus de défense », « une sorte de pendant psychique du réflexe de fuite dont la tâche est de prévenir la naissance du déplaisir ».
Pour le père de la psychanalyse, l’humour est la plus haute réalisation de défense de l’homme.
Mais, s’il est un bon remède contre les vicissitudes de la vie, il est aussi, chez ceux qui ne connaissent que ce moyen de communication, une façon de ne jamais rien aborder de front.
On comprend que l’humour soit le refuge idéal des grands timides
L’humour en toutes circonstances ?
Quelle que soit sa part d’ambiguïté, l’humour nous est indispensable, comme l’air qu’on respire. S’il peut surprendre, « décoiffer » quelquefois, il nous permet aussi de revenir à la légèreté de notre enfance et pour ce bonheur-là, nous sommes souvent prêts à tout accepter.
A vous d’identifier les buts de l’amuseur : s’il cherche uniquement à se mettre en valeur, à faire le beau, à se maintenir intouchable… ou s’il vise un peu plus haut, comme arrondir les angles de la vie, pour lui-même et ceux qui l’entourent, par exemple !
L’HUMOUR DANS LA CURE“
Tenter d’évoquer sérieusement un sujet aussi glissant que celui de l’humour, du trouble de l’humour ? fort heureusement non encore répertorié dans le DSM IV ? c’est affronter l’apparente légèreté de la chose… qui tient à un “presque rien” comme l’a souligné Jankélévitch.
On oscillera donc entre humeur et humour, avant de poursuivre le parcours “du pire au rire” , ouvrant sur la fonction créatrice de l’humour, dans sa force de survie, de résistance. Mais pourquoi ce titre, qui semble emprunté à La Fontaine ? L’ humour et le clinicien.
De quelle fable s’agit-il ? Celle, en l’occurrence, d’une clinique aux prises avec l’humour du patient.
On compte somme toute assez peu d’ouvrages cliniques sur l’humour.
Outre l’ouvrage princeps de Freud sur le ” Witz “ , que Lacan a commenté dans son séminaire juste après la parution d’une étude de Reik, des travaux plus récents ont repris cette thématique.
Tous nous ramènent à l’ouvrage que Freud lui-même qualifiait d’ex-cursus sorti directement de l’Interprétation des rêves.
Dans cette trouvaille sur la trouvaille ? On fait de l’humour comme on rêve ? Freud traque l’inconscient sous le witz, qui représente sa mise en acte.
Le trait d’esprit, frère du lapsus, réalise dans la concision, qui signe l’élaboration inconsciente, ce que Lacan nomme un “pas –de -sens”, au double sens du terme : l’absurde, mais aussi ce qui permet le passage d’un sens à l’autre.
C’est dire toute l’ambiguïté du Witz qui peut à la fois effleurer la surface des choses et piquer au plus profond.
Freud a bien montré la visée économique de l’humour ? épargner une dépense, en évitant le déplaisir ? et souligné la parenté des mécanismes entre rêve et mot d’esprit.
De son côté, Lacan, en dégageant les figures de la métonymie et de la métaphore, met en valeur la technique du signifiant.
L’inconscient, ne cesse-t-il de rappeler, se livre “quand on regarde à côté” : le witz avec sa face cachée, ouvre sur l’autre scène, éclaire le rapport du langage au désir, restituant la part de jouissance perdue.
Freud une fois de plus, semble avoir ouvert une voie interdite : son étude demeure marginale, peu lue : l’a-t-il écrite à regret, prenant au mot un Fliess qui lui reprochait les nombreux jeux de mots émaillant la Science des rêves ? Le rêveur avait selon lui trop d’esprit…
Freud relève le défi, mais s’arrête en chemin, comme frappé d’une curiosité coupable : le “ Witz “ aurait sur lui cet effet de sidération, du fait du plaisir procuré par la métaphore, et de la question de la judéité, que Freud aborde plus qu’ailleurs dans cet ouvrage.
J-P Kamieniak voit un symptôme dans le fait que Freud plaisante à propos de la fille ou de la femme, là où la mère reste un profond tabou. Premier objet d’amour, l’Autre maternel ne peut pas être objet d’humour : sous la mère œdipienne se profile “la mère archaïque” .
Elle est intouchable, serait-ce par l’humour. Freud n’en manque pourtant pas.
Avant qu’il ne quitte Vienne pour Londres en 1938, les nazis exigent de lui une déclaration écrite attestant qu’aucun mal ne lui a été fait.
Il s’y prête, mais non sans ajouter oralement, dit-on, cette antiphrase valant son pesant d’or :
“Je recommanderais chaudement la Gestapo à n’importe qui”.
A son arrivée à Paris, il aurait eu ce trait d’esprit :
“Je suis un refoulé”.
Enfin, il a fait état d’une collection d’histoires juives et de bons mots qui l’ont aidé à résister psychiquement durant la guerre.
Partant de ce trouble de Freud devant la mère, nous en venons au trouble de l’humour :
Qu’est-ce qui dans l’humour nous trouble ?
S’agit-il du “je-ne-sais-quoi” impalpable, qui va de l’humeur à l’humour ?
S’il y a un glissement du sens dans toutes les langues, seul le français adopte deux termes différents.
L’allemand et l’anglais, notamment, ont conservé le terme médical humour, dérivé du latin, et renvoyant à la théorie des humeurs organiques.
Ce terme pivote au XVIe siècle, ne désignant plus seulement des humeurs, mais la façon d’en jouer, mais ce n’est que dans le XVIIIe siècle anglais que le mot prend sa signification moderne :
« détachement amusé et amer… «
Si l’humeur renvoie au dedans et l’humour davantage au dehors, l’élément liquide serait le trait d’union entre les deux.
Nous pourrions filer la métaphore : rire, écume, mousse, la mer, l’amertume… A cette humeur qui s’écoule s’oppose l’aspérité du trait d’esprit, de la pointe.
L’humeur suppose une alternance d’affects opposés, non liés. L’humour est en revanche un processus secondaire.
Il épargne les affects par le jeu des représentations.
L’humeur est très corporelle, alors que dans l’humour l’esprit reprend ses droits…
Mais encore faut-il distinguer l’humour volontaire de celui qui se fait à l’insu du sujet. L’humeur apparemment heureuse du maniaque est-elle un humour qui s’ignore, quand les mots sont pris pour les choses ?
Sur l’autre versant, l’humeur mélancolique signe selon la formule freudienne un “ assujettissement tyrannique du moi au surmoi ”.
Faut-il entendre l’humour
A ce dérèglement de l’humeur fait écho le dérèglement du sens (voire de tous les sens, selon le mot de Rimbaud) en tous cas le double sens de l’humour.
On pourrait associer sur le terme humour à coup d’étymologie approximative à la façon des Décraqués : d’humour, humer, à l’expression
“va te faire humer la carotte” ,
qui remonterait à 1535, expression abandonnée pour son ambiguïté.
Elle aurait été remplacée par la formule non moins équivoque :
“occupe-toi de tes oignons”.
Bertrand Jérôme y voit l’équivalent d’une expression du Mali chez les Bambaras :
“Ôte ta main de mon boubou…”
Elle m’évoque la phrase qu’un Colombien rapportait récemment avoir lancé à un interlocuteur hostile, pensant s’être montré là d’une grossièreté rare :
“ va te faire cuire un œuf !”
Je n’y voyais pour ma part pas malice, mais un peu plus tard le dictionnaire me confirmait qu’en espagnol huevo pourrait bien avoir un sens caché du côté de l’organe génital masculin…
L’humeur mauvaise d’un génial pince-sans-rire comme Pierre Desproges peut virer à l’humour.
Le passif (être victime de ses humeurs) est renversé en actif (être fauteur de désordre, de troubles… de l’humour).
Dans la clinique l’humeur noire rejoint l’humour noir dans les défenses contre l’ennui en séance, quand la peur d’ennuyer l’autre bloque le processus associatif, ou du côté du thérapeute qui flotte, réveillé par telle ou telle association.
Ainsi, au début de certaines “prises en charge” , l’enfant fait passer le thérapeute par le stade des devinettes, ou des rébus, pour maîtriser la situation, renverser le rapport avec l’adulte, ou utilise le jeu du pendu, pour dire des choses, aussi, tout simplement.
On travaille avec ou dans l’humour en clinique infantile, à partir des créations du sujet.
Un adolescent remplit l’espace en enchaînant les plaisanteries, en tentant de tourner chaque chose en dérision.
Il écrit sur un papier destiné au patient suivant :
“N’écoutez pas ce qu’elle vous dit”
(en l’occurrence, pas grand-chose, ou presque rien…) ou il prend un livre et le lit à haute voix en remplaçant la plupart des mots par “psychologue” .
Par exemple il transforme un article sur l’ordinateur :
“Vous pouvez mettre une disquette dans votre psychologue”.
Un autre jeune patient en grande souffrance est en proie à des tressaillements qui lui vaudront nombre de surnoms au collège, jusqu’à ce qu’il puisse passer du statut d’objet du rire des autres à celui de sujet de l’humour.
Il pratique l’auto-dérision qui lui permet de désamorcer les railleries des autres en les prenant de vitesse. Mais dans une quête systématique du bon mot, il barre toute possibilité de se dire, de s’entendre.
C’est une véritable machine à calembours, la toute-puissance accordée aux mots fait symptôme, l’agressivité est toujours là, souvent contenue, parfois trouvant une issue.
Il arrive que le masque tombe et apparaît la figure du père, restée pour lui terrifiante. A cause de ses colères, ses sautes d’humeur, ce dernier est un miroir dans lequel l’adolescent refuse de se reconnaître, lui qui a tout fait pour ne pas ressembler au père. Drame ordinaire de la rivalité œdipienne.
Là l’humeur s’inverse, du rire aux larmes.
En l’absence du père, les inhibitions semblent levées, la jouissance libérée : il est un adepte des jeux verbaux à l’intention des professeurs dont il recherche la connivence. L’humour en thérapie, même si ça ne va pas très loin, permet au moins à ce garçon de sortir de la jouissance de la plainte, et d’être moins marginalisé dans l’espace scolaire.
Il peut dire comme l’un de ses semblables :
“J’étais mort de rire…”
Ces mots qui semblent s’exclure l’un l’autre nous permettent d’aborder la question suivante :
Du pire au rire ?
Freud admirait l’humoriste comme le poète :
“D’humeur joyeuse nous sommes tous capables d’humour, en revanche faire des mots d’esprit quand l’humeur n’y est pas n’appartient qu’à une minorité”.
L’humour permet la résolution d’un conflit, d’une tension : il s’agit de se dédoubler, mais avec un certain bonheur.
D’où l’aptitude à créer une distance, de soi à soi. L’esprit est une défense contre le pire, contre la cruauté.
Il est de l’ordre de l’échappée, du jeu avec les mots, quand les écarts sont permis. Il convoque toujours la figure de la mort : détachement enjoué ou sens du tragique ?
Les peuples persécutés utilisent ce rempart comme véritable lien social : quand la liberté est gravement compromise, reste la liberté de jeu psychique.
Judith Stora Sandor a montré comment des minorités opprimées transforment l’humiliation :
C’est le “triomphe momentané d’un rire pas toujours très gai ” .
En Algérie Fellag mobilise une bonne partie de la population à partir de l’autodérision. En Afrique du Sud, des comédiens noirs ou métis revendiquent une nouvelle forme d’humour, se moquant des stéréotypes raciaux.
Parce qu’il a le pouvoir de lutter contre les inhibitions, contre les tabous et le conformisme, l’humour est banni en dictature.
Miguel Benasayad rapporte que l’humour lui a permis, au cours de son expérience de l’enfermement en Argentine, de résister dans une certaine mesure à la torture.
L’humour semble alors filtrer l’angoisse de mort :
“ C’est toujours ça de pris ” ,
dit-on, en évoquant toujours l’instant ? De surprise et de sursis ? Qu’il procure.
C’est une position du sujet par rapport à l’angoisse.
Forcer la castration, l’interdit de dire, pour jouer avec l’Impossible, faire l’épreuve de son esprit sur l’Autre : l’humoriste se “cabre” comme un cheval contre le destin.
C’est une victoire symbolique sur la mort, de l’ordre de l’explosion, du jaillissement. Lacan note que
“l’ agressivité du sujet se satisfait à l’abri du trait d’esprit”.
Peut-on rire de tout ?
Oui, répond Roberto Benigni par son film la Vie est belle.
Pierre Desprosges feignant d’être scandalisé par l’audace de Marguerite Duras lance :
“Hiroshima mon amour, et pourquoi pas Auschwitz mon loulou ?”
Le witz sur Auschwitz est-il acceptable ?
La question a déjà été posée.
A propos du nom propre, il n’est pas inintéressant de savoir qu’il a fallu de mystérieuses falsifications pour que Hitler ? déformation de Hüttler ? ne s’appelle pas Schickelgruber, mais surtout il est à la fois troublant et terrible que ce nom de Schickelgruber qui aurait dû et a failli être le sien sur l’état – civil signifie :
“celui qui envoie dans la tombe”.
C’est, sinon un “ Witz ”, du moins un effet du signifiant : retour dans le réel du nom propre effacé.
“Hitler agit dans la vie ce qui a été effacé de son histoire.
Il y avait en germe toutes les conditions pour que se développe un délire (d’élection). L’histoire personnelle est, en plus, entrée en résonance avec le désir d’un peuple”.
L’humour en clinique
Pour revenir au trait d’esprit, c’est une chose très sérieuse que l’humour noir, prêt à transgresser bien des codes.
Pourquoi transgresser, sinon pour entendre quelque chose de son désir ?
Lacan rappelle que le trait d’esprit ? mais je dirais aussi peut-être l’humour en général ? signe l’impasse des rapports humains :
“Nul désir ne peut être reçu (…), le besoin n’est nulle part signifié dans le trait d’esprit”.
Les vertus créatrices de l’humour ont à voir avec la possibilité qu’il offre de transformer l’absence en présence. Est-ce un leurre ? En forçant le trait et par mauvais esprit on pourrait dire :
“Dites-moi ce dont vous avez besoin, je vous expliquerai… comment vous en passer”.
Si ce n’est que le sujet de l’humour n’est pas dupe. Il fait ce détour du fantasme à la réalité, qui plonge l’esprit dans l’enfance, qui opère une régression, pour pouvoir voir les choses autrement, à distance.
Freud a souligné l’importance du tiers, de l’Autre : il n’y pas de trait d’esprit solitaire. Quand on rit (même tout seul, même sous cape) il y a de l’Autre.
L’humour porte le sujet au-delà du symptôme.
C’est la possibilité pour chacun de nous d’être entendu au-delà de son dire.
Le mot d’esprit fait entendre quelque chose en écho, qui d’ordinaire ne peut pas être entendu. Paul-Laurent Assoun voit dans le witz
“ un fantasme mis en acte à vocation social e” .
Le récepteur doit être lui-même créateur.
Le “ Witz ” permet au sujet, à l’analysant, de mettre en scène quelque chose de sa division. Il y a toute une gamme depuis la créativité (dans le forçage de l’humour, l’affût du bon mot) jusqu’à la création à l’insu du sujet : là, on laisse les mots se jouer de soi, jaillir, dans la surprise : la création métaphorique part toute seule, c’est l’après-coup qui signe le trait d’esprit :
“Le mot d’esprit surgit, presque toujours paré des mots qui le revêtent”.
L’humour, c’est du “semblant” : l’enfant s’en saisit, qui joue à faire semblant,
“pour du faux”
: il s’offre le luxe de penser autrement que d’habitude. Le rire dans l’espace de la cure peut faire mouche : c’est un effet de l’inconscient, un effet de vérité, de rencontre des inconscients complices.
Parfois un parent nous sert un bon mot qu’on peut souligner silencieusement :
A propos de son fils unique, et qui entend le rester –
“ si vous en faites un autre, je le jette ” ?
une mère dit à un thérapeute :
“Ça y est, le deuxième est en route, mais c’est bon, on va lui faire avaler la pilule…” Comment mieux dire, en peu de mots, l’ambivalence, et aussi la confusion des place dans cette famille ? Comment répondre autrement que par le rire ?
Elle qui, quelques instants plus tôt, m’avait lancé, jugeant que l’enfant sortait trop tôt de la séance :
“Vous n’en voulez plus ?”
A l’image du mot d’esprit, l’humour, subversif, pousse la langue dans ses retranchements : il n’y a pas de sens définitif.
Peut-être, selon les capacités de distanciation du sujet (qui sont élastiques), l’humour conduit-il à des effets d’ouverture ou de fermeture.
Janus Bifrons : dans le meilleur des cas ? sublimation réussie ? il peut ouvrir le sens, dans le pire des cas, il le verrouille : il est alors au service de la résistance, pour éviter de parler de soi
ENFIN…

Pour achever cette recherche, je ne vois rien de mieux que la citation de Freud :

“ Dans mon livre : le Mot d’esprit et ses rapports avec l’inconscient, paru en 1905, je n’ai en réalité traité l’humour que du point de vue économique. Je cherchais à découvrir la source de plaisir que nous procure l’humour, et je pense avoir montré que le bénéfice du plaisir dérive de l’épargne d’une dépense affective.
Le processus humoristique peut se réaliser de deux manières, soit chez une seule personne, qui elle-même adopte l’attitude humoristique, soit entre deux personnes, dont l’une ne prend aucune part au processus de l’humour, mais dont la seconde considère la première sous l’angle humoristique.

Cette réflexion me touche particulièrement car elle fait appel à l’AUTRE, au sens de l’altérité. Une place est faite pour accueillir et faire exister, faire vibrer un ÊTRE DIFFERENT.

HISTOIRE D’EN RIRE…
Le corps s’anime étrangement lorsque nous rions:les muscles de notre face se contractent, en particulier le dilatateur des narines (risorius) et les zygomatiques (commissures des lèvres). Les poumons en surpression rejettent à 100km/h d’énormes quantités d’air (très bonne purge respiratoire). Le diaphragme se tend, provoquant de forts spasmes respiratoires dans toute la cage thoracique. Les muscles de nos jambes se relâchent, la circulation sanguine s’accélère. L’ hypothalamus, centre de contrôle situé à la base du cerveau, libère dans l’ensemble du corps des endorphines (morphines naturelles), aux propriétés antidouleurs et calmantes.
Le coeur se met à battre plus vite et plus fort. Les artères, après s’être rétrécies, se dilatent, provoquant une sensation de bien-être.
Les abdominaux se contractent avec une telle force que le ventre est massé (excellent en particulier pour la vésicule). Quel est l’origine du rire pour un chercheur? :
Le rire provient de l’hémisphère droit du cerveau (cortex cérébral), mais il se déclenche au niveau du système lymbique, de notre cerveau primitif.
Quand on observe de près une personne en proie à l’ hilarité, on constate que le rire se propage dans tous les muscles du visage, dans le larynx, le diaphragme, la musculature abdominale et la cage thoracique. Ensuite, une profonde détente envahit tout le corps. Les muscles se relâchent, y compris les sphincters, le rythme cardiaque qui avait augmenté lors de l’éclat de rire commence à diminuer en même temps que la pression artérielle.
Les effets du rire sont bénéfiques et multiples:
Effets physiologiques : Le rire régularise la respiration en permettant une meilleure combustion de l’oxygène et une plus grande expulsion des déchets. Il améliore le tonus musculaire, l’oxygénation cérébrale, le système cardiovasculaire, le système digestif et le métabolisme général. De plus, le rire stimule la production des endorphines et des catécholamines qui agissent comme une morphine naturelle. Ces hormones diminuent alors la douleur. Il stimule aussi la production de cellules neurobiologiques et d’adrénaline.
Effets psychologiques : Le rire agit contre la constipation (!…), diminue le taux de gras dans le sang (10%), prévient les maladies cardiaques, les sinusites, l’insomnie, la dépression et même le cancer. Il diminue le stress , la fatigue, la douleur, l’aérophagie, l’arthrite et l’asthme. Le rire freine même le vieillissement !!! Il paraît aussi qu’il contribue à éviter l’impuissance et la frigidité…( d’après certaines sources… )

Auriez-vous imaginé que… :

Description : En 1940, on riait 19 minutes par jour alors que maintenant on rit en moyenne moins de 3 minutes par jour. Il existe une thérapie par le rire, la rirothérapie. On a même installé dans certains centres hospitaliers des salles où l’on présente toutes sortes de matériels humoristiques qui permettent aux malades de se détendre.
Les premières traces de l’humour, c’est chez Aristophane, Ve siècle avant J.-C., qu’on les retrouve. Déjà, à cette époque, les auteurs tournaient en dérisions les hommes politiques ou les personnalités d’Athènes, dont Socrate et Périclès. Ensuite, on se déplace à Rome, Sous l’empire romain, pour faire la connaissance de la commedia palliata, qui ce rapproche énormément de l’humour grec, et de la comédie latine. Cette dernière avait pour particularité que selon leur âge et leur humeur, les personnages se costumaient et portaient une perruque différente.
La suite se déroule au Moyen Age, avec les fêtes bacchanales. Ces festivités avaient pour objet de célébrer Bacchus (équivalent du Dionysos grec), dieu du vin, des jeux et de la danse. Ces fêtes se terminaient par des danses tumultueuses et lascives ainsi que des débauches bruyantes. Parallèlement à cela, toujours au Moyen Age, il y avait les entremets qui consistaient à présenter une mascarade burlesque lors de banquet pour divertir les invités entre les services. Finalement, il serait impardonnable de ne pas parler des bouffons qui, au début, n’étaient que de pauvres individus simples d’esprit et difformes, dont la seule présence faisait rire les plus puissants. Par la suite, la fonction de bouffons s’est raffinée.
A partir du XIIIe siècle, il s’agissait d’une fonction très délicate réservée au plus habile. En effet, les bouffons osaient dire tout haut au souverain ce que tout le monde disait tout bas, et ce, sans se voir condamner à mort. C’est à ce moment que l’humour a été utilisé comme moyen de contestation subtil. Par la suite vint le XVIIe siècle avec la commedia dell’arte, qui consiste à présenter un scénario fantaisiste réglé, mais où les acteurs improvisaient. C’est aussi à cette époque que sont apparu les grands auteurs comme Shakespeare, qui osait mettre des réparties plaisantes ou niaises dans la bouche des domestiques, ou Molière, dont les scénarios tournaient en dérision les grands Sieurs ainsi que les manies de ce siècle.
Le XVIIIe vit apparaître les mots d’esprits, toujours utilisés aujourd’hui. Le XIXe siècle inaugurera la presse satirique, dans les journaux d’opinion, comme moyen de contestation contre, entre autres les régimes politique. Finalement, le XXe siècle amena les blagues en série et les nouvelles technologies (radio, télévision). La télévision permit la montée de plusieurs grandes stars comme Mae West et Georges Burns ou encore le légendaire Charlie Chaplin. Dans les années trente apparurent les duos comiques, composés d’un personnage maladroit et comique accompagné d’un autre plus autoritaire. Il y a quelques décennies débutèrent les ´cartoonsª, qui firent la joie des jeunes et des moins jeunes. Plus près de nous, dans les années 80, les parodies, tant de films que de chansons, se firent sentir de façon plus marquées.
Ce qui est important de comprendre, c’est que de tout temps l’humour est un phénomène culturel. Je m’en suis bien rendu compte lorsque j’ai assisté à un concours de blagues lors d’une fête africaine. J’avais de la difficulté à comprendre en entier les gags, alors que l’auditoire autour de moi pouffait de rire. C’est entre autre à cause des subtilités de la langue, les connotations, les stimuli utilisés, les stéréotypes ethniques, les croyances et le système d’association des significations acquis.
L’humour est souvent utilisé lors de périodes d’inquiétude et de désenchantement, ou lorsqu’ il y a trop de pression. Le meilleur exemple est l’autodérision. Qui ne connaît pas Mr. Bean, autodérision de l’île d’Angleterre. Ou encore « La petite Vie » et Elvis Gratton de beaux exemples de l’autodérision québécoise, parce que la culture se sent menacée. D’ailleurs, le Gala Juste pour Rire ouvre le plus grand marché de la comédie au Québec. De plus l’incertitude que les Québécois ont envers leur culture est aussi observable par le grand nombre d’humoristes et d’émissions à caractère humoristique sur le marché en ce moment. Je termine en vous disant que l’humour permet de divertir, sauver la face, faire tomber la tension, obtenir des approbations, masquer des désaccords.
Vous n’avez pas beaucoup de raisons de rire dans la vie quotidienne ? Créez-les vous-même. Ces exercices vous y aideront. Pour ces mouvements de détente, il est possible de s’entraîner seul, mais le faire à deux est préférable car le rire est communicatif. -Mettez-vous devant la glace et, comme un jeune enfant, faites des grimaces. Puis émettez des rires avec des voyelles différentes (ii, oo, uu, …). Au début, cela vous semblera bizarre, mais avec un peu d’entrainement… -Regardez-vous face à face avec une autre personne et dites « cheese’ (prononcez « chizz ») en essayant surtout de ne pas rire. -Renouez avec votre enfance et jouez à « je te tiens par la barbichette, le premier de nous deux qui rira aura une tapette… » Irrésistible! -Riez de vous-même, c’est encore la technique la plus « décapante ». Si vous êtes maladroit, essayez de vous moquer de vous, cela vous donnera le sens de l’humour. -Essayez de vous rappeler d’un fou rire que vous avez eu. Sa seule évocation vous mettra de bonne humeur. -Chantez des chansons à vos enfants au lieu de les laisser devant la télévision. Inventez-leur des contes, faites des tours de magie ou mettez en scène des sketches où ils participent activement. Vous n’êtes pas obligé de faire compliqué: un nez rouge, une perruque, des faux cils… et le tour est joué. Le simple fait de mettre un nez rouge suffit à déclencher le rire aussi bien chez les enfants que chez les adultes.
-Ecoutez les disques et cassettes des comiques et chansonniers que vous appréciez.
-Regardez des spectacles comiques, sur la scène d’un café-théâtre ou à la télévision.
-Ecoutez une radio « marrante »…
Comme la forme physique, le sens de l’humour et la capacité à rire s’entretiennent. Explications du Dr Rubinstein, un pionnier de la gélothérapie par le rire. Quels sont les exercices de base pour rire? On peut, à partir d’une éducation respiratoire, retrouver le rythme du rire, et par un entraînement, en revivre les conditions psychiques. L’exercice type comporte une inspiration courte de deux à trois secondes, suivie d’une pause respiratoire de cinq à dix secondes. Répétée plusieurs fois, cette gymnastique déclenche inévitablement le rire. Tout le monde peut la pratiquer, seul, dans n’importe quelles conditions. Vous prônez aussi la commercialisation du gaz hilarant… Le protoxyde d’azote n’est pas une drogue, il agit sur les centres du rire et de l’humeur, en réduisant leur niveau de tension. La jubilation instantanée par inhalation de faibles doses de ce gaz est utilisée dans certains centres médicaux aux Etats-Unis. Retrouver l’humeur ludique, n’est-ce pas acquérir les principes de la pensée positive? Absolument. Cela consiste à retenir l’aspect constructif des choses (une bouteille à moitié vide est une bouteille à moitié pleine). Certaines attitudes pratiques aussi, devant la vie, contribuent à réduire les tensions. Ne pas s’imposer des obligations sociales, familiales ou professionnelles, se préparer aux changements pour s’y adapter, se ménager des situations compensatrices de détente. Hélas! On n’a pas aussi souvent l’occasion de rire dans la vie! Avoir le sens de l’humour ne signifie pas rire de tout à tout propos. C’est être capable d’apprécier le côté comique des choses en même temps que leur côté grave. L’humour permet de chasser les pulsions hostiles et l’accumulation des petits stress quotidiens. C’est une libération périodique de la logique, du sérieux et des responsabilités de la vie. Il n’est pas trop difficile de trouver les occasions de rire si l’on est en humeur de les apprécier. Dans la rue, en bus, en métro ou en voiture, à son travail, à la maison… c’est affaire d’appréciation personnelle et surtout d’état d’esprit. Le comique est partout pour qui sait le voir.
Depuis quelques années, il fait l’objet d’études scientifiques très sérieuses ( Eh ! oui…). Economique, sans contre-indication et à la porté de tous, le rire, outre le plaisir qu’il procure, possède des vertus thérapeutiques insoupçonnées. Le rire déclenche des mécanismes musculaires, respiratoires et influence de façon bénéfique le système hormonal. Quand nous rions, se produit une véritable onde de choc qui se transmet, de muscle en muscle, en augmentant d’intensité. Les muscles du visage se contractent, notamment le dilatateur des narines (celui qui d’ailleurs nous fait pleurer de rire) et les zygomatiques (aux commissures des lèvres et des pommettes). Un massage facial s’opère, la circulation sanguine au niveau des petits vaisseaux superficiels du visage s’accélère, la peau est lissée. Quand nous pouffons de rire, le cou libère ses tensions, le dos ses contractures. Côté coeur, les battements se font plus rapides et plus forts. Après s’être rétrécies, les artères se dilatent, provoquant ainsi une sensation de bien-être et de plénitude. Les poumons, en situation de surpression, rejettent des quantités d’air phénoménales à 100km/h. Cette gymnastique respiratoire profite aux anxieux ainsi , qu’à tous les sujets atteints d’asthme et d’emphysème. Enfin, à chaque fois que nous rions à gorge déployée, l’oxygène afflue dans le sang, éliminant sur son passage les toxines présentes dans l’organisme (les sucres, les graisses et le mauvais cholestérol). De plus, les abdominaux, en se contractant violemment, offrent un massage excellent pour la digestion et le transit intestinal. Pour le Dr Sylvain Mimoun, psychosomaticien à Paris, une, seule minute de rire équivaut à quarante-cinq minutes de relaxation. Et selon le Dr Henri Rubinstein, neurologue à Paris, quelques minutes de rire par chatouillements, réparties tout au long de la journée, sont l’équivalent d’au moins une heure de culture physique.
En chatouillant le centre de l’hilarité situé dans le cortex, une petite zone du cerveau où se trouve aussi le siège de nos émotions, nous stimulons de nombreuses hormones, toutes plus essentielles les unes que les autres. D’abord les cathécholamines, les hormones de l’éveil, qui donnent l’alerte aux anticorps chargés de défendre l’organisme contre les virus et les microbes. En outre, ces hormones court-circuitent les processus inflammatoires, en particulier les inflammations articulaires. Ensuite, les endorphines, les hormones euphorisantes ou hormones du plaisir, du bien-être (ce sont elles qui aident à penser positif et à gérer le stress). Outre leur action antidépressive, elles possèdent une action antalgique (anti douleur) remarquable (ces morphines naturelles sont jusqu’à 200 fois plus puissantes que la morphine chimique. En détournant l’attention, en relâchant les muscles et en déclenchant un « orage hormonal », le rire « anesthésie » les souffrances chroniques et capricieuses. Ses effets sont particulièrement spectaculaires sur les douleurs liées à la tension musculaire.
Une soirée passée à rire, au spectacle ou entre amis, un film hilarant… sont les meilleurs alliés du sommeil. Cette fois, c’est une autre hormone, la sérotonine, qui entre en jeu. Cette substance apaisante contrôle l’endormissement et le sommeil lent. Elle succède tout naturellement aux hormones de l’éveil. Parce qu’il chasse les idées noires, épuise la tension, évacue le stress et la fatigue, le rire est vivement conseillé aux insomniaques, surtout aux hommes qui, passé le cap de la cinquantaine, perdent en sommeil lent, profond et récupérateur.
Le rire a aussi un impact positif sur l’appareil digestif. Outre la gymnastique abdominale qu’il provoque, il accélère la production de sucs gastriques et d’enzymes nécessaires à la digestion. De plus, il s’avère souverain pour toutes les affections intestinales psychosomatiques. C’est le cas notamment de la colopathie fonctionnelle (le sujet ne présente aucune lésion mais souffre de troubles du transit) qui touche la moitié de la population. La clé de voûte du traitement est l’approche psychologique (le moral, la bonne humeur et tout ce qui apaise et détend, comptent tout autant que les médicaments et le régime alimentaire…, remarque le Dr Tuszynski, gastro-entérologue en région parisienne.
Les endorphines ne se contentent pas d’augmenter le tonus et de diminuer la douleur: elles rendraient plus intelligent! Les travaux de la célèbre endocrinologue américaine Miriam Diamond ont montré que les personnes produisant de nombreuses endorphines, non seulement ne perdaient pas de neurones en vieillissant, mais que ceux-ci augmentaient en nombre et s’allongeaient. Bref, les personnes dotées d’un sens de l’humour développé auraient la chance d’avancer en âge en gardant une mémoire intacte et un esprit de plus en plus vif. Le rire est aussi un exutoire formidable: les médecins le recommandent à titre préventif aux biens portants, à tous ceux qui souffrent de stress. Enfin cette thérapie, accessible à tous, est un merveilleux moyen d’intégration sociale!
Deux méthodes sont utilisées pour déclencher le rire. Vrai. Soit l’on stimule les zones dites « gélogènes » (aisselles, côtes, plantes des pieds) qui communiquent le réflexe du rire grâce à tout un réseau neurologique. Soit l’on déclenche la crise d’hilarité par des « chatouillis » psychiques en inventant ou en racontant des histoires … Les mécanismes respiratoires du rire s’apparentent à ceux du yoga. Vrai. Il entraîne une respiration plus ample, une pause respiratoire nettement plus longue qu’au repos. La durée de l’expiration peut, quant à elle, être doublée au cours du rire. Ces variations des temps respiratoires, qui rejoignent les préceptes de contrôle du souffle en yoga, multiplient par 3 ou 4 les échanges d’oxygène. Le rire est signe de bonne santé. Faux. Il devient pathologique lorsqu’il échappe au contrôle du cerveau. C’est le cas chez des patients qui présentent des lésions de certaines zones cérébrales (comme la sclérose en plaque). La maladie d’Alzheimer ou des maladies mentales comme la schizophrénie provoquent aussi des éclats de rire pathologiques. Le rire n’a aucune contre-indication. Faux. Bien que rare, des contre-indications existent. Ce sont les suites d’interventions chirurgicales (appendicites!…). Mais, contrairement à ce que l’on pense, le rire est tout à fait conseillé aux cardiaques. Dans un premier temps, il augmente le rythme du coeur mais cette manifestation est vite suivie d’un ralentissement et d’une baisse de la tension artérielle très bénéfiques.
Alors? Rire ou sourire?…